De plus en plus d’employeurs fournissent des produits menstruels à leurs travailleuses. D’ailleurs, à partir du 15 décembre, les milieux de travail sous réglementation fédérale seront obligés de rendre disponibles des tampons et des serviettes sanitaires dans leurs toilettes. Or, l’impact environnemental de ces produits jetables est non négligeable, ont rappelé le quart des participants aux consultations publiques sur le sujet. Faut-il s’en soucier ?
Mila Zielinski, chargée des partenariats au Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF), se réjouit du changement dans le Code canadien du travail qui sera en vigueur sous peu. « Ça envoie le signal qu’il y a une égalité entre les produits menstruels et le papier de toilette et le savon à main. Ils sont essentiels, parce que la précarité menstruelle est un fléau », exprime-t-elle.
De nombreuses personnes n’ont pas les moyens de s’acheter ces produits en nombre suffisant. Les options réutilisables, comme les culottes ou les coupes menstruelles, sont de plus en plus mises en avant. Des articles scientifiques concluent d’ailleurs que la coupe menstruelle est l’option la plus écologique. Mais celle-ci ne convient pas à toutes les situations.
« On ne sait pas toujours à quel moment on sera menstruée. Ça peut survenir sur le lieu de travail ou à l’école et forcer des personnes touchées à s’absenter », souligne Kate Bouchard, agente de recherche et de planification à Institut Santé et société (ISS) de l’UQAM.
Malgré tout, les tampons et les serviettes hygiéniques traditionnels inquiètent pour leurs effets potentiels sur la santé des femmes et sur l’environnement. L’ISS, en collaboration notamment avec le RQASF, a publié cet été un rapport faisant une revue de la littérature sur ce thème.
On y rappelle que « les personnes menstruées utiliseront environ 12 000 à 15 000 produits non réutilisables dans le cours de leur vie, ce qui représenterait de 110 à 135 kg de déchets par personne (Borowski, 2011) ». De plus, « les serviettes menstruelles sont composées de 90 % de plastique […], dont la décomposition peut prendre de 500 à 800 ans » (Arena et coll., 2016).
Par ailleurs, la présence de substances chimiques nocives pour la santé y a été démontrée, mais il y a un manque flagrant d’études au sujet des effets de leur utilisation à long terme sur l’appareil reproducteur féminin. Selon les auteurs du rapport, les risques sont suffisants pour exiger davantage de tests avant leur mise en marché et plus de transparence sur leurs composants.
« Les employeurs sont invités à utiliser des produits sans parfum ou respectueux de l’environnement », écrit pour sa part Emploi et Développement social Canada dans un courriel au Devoir.
Des tampons plus verts ?
Ce contexte est propice à l’émergence de produits qui se veulent justement plus sains et plus verts. Trois mois après avoir lancé son entreprise, Alea Protection, Roxane Champagne-Duval a déjà conquis 400 salles de bains chez une quarantaine d’employeurs, dont la Banque de développement du Canada, Intelcom et les sacs Lambert.
« On leur offre l’option d’encourager une entreprise locale, meilleure pour le mieux-être des employés, des produits plus durables pour la planète. Ça vient cocher toutes les cases », estime la femme d’affaires.
Roxane Champagne-Duval explique que le coeur de ses tampons, uniquement en coton biologique certifié GOTS (Global Organic Textile Standard), est exempt de pesticides, de colorants, de produits chimiques, de fragrance et de plastique.
« C’est quand la dernière fois que tu as regardé la liste des ingrédients d’un tampon ou d’une serviette hygiénique ? Le premier ingrédient est souvent la rayonne (aussi appelée viscose), qui est faite à base de bois traité chimiquement pour avoir un aspect cotonneux », souligne-t-elle pour marquer la différence.
L’applicateur Alea Protection est en carton et l’emballage en papier. Ses serviettes hygiéniques sont constituées de coton biologique, de bioplastique à base de maïs et d’un papier amovible en silicone. Elle assure que les serviettes sont biodégradables en 90 jours.
« On est d’accord que ce n’est pas 100 % environnemental, parce qu’on les jette au final », admet celle qui envisage de développer des produits à base de chanvre, qui prendrait notamment moins d’eau à produire que le coton.
On voit pousser des marques au modèle et aux revendications similaires un peu partout dans le monde, dont Iris + Arlo au Québec.
Ces produits sont-ils réellement meilleurs pour l’environnement ? Pour l’instant, il manque tout simplement d’études pour pouvoir l’affirmer ou l’infirmer. En effet, beaucoup d’éléments entrent en ligne de compte pour déterminer et comparer les empreintes environnementales de différents modèles, de leur production jusqu’à leur fin de vie.
À défaut de pouvoir éliminer l’utilisation des produits menstruels jetables, il faudrait tout de même tendre vers une modification de ces derniers pour les rendre moins nocifs, croit Erica Lebrun, fondatrice de l’entreprise québécoise Mme L’Ovary, qui commercialise surtout des culottes menstruelles et qui milite également pour des subventions publiques à l’achat de produits menstruels réutilisables.
On n’est probablement pas arrivé au bout des innovations possibles dans ce domaine.
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Source: [Les produits menstruels entre nécessité et environnement]